Gérez votre risque prix
Rencontre avec Arnaud PONSET

En quoi la crise Covid 19 et les conditions climatiques vont-elles influencer la commercialisation du blé cette année ?

En général, avant la moisson, les opérateurs s’intéressent aux conditions de culture donc à l’offre. Cette année, s’ajoute la question de la demande : les pays importateurs vont-ils pouvoir, pour des questions financières et sanitaires, importer? Par ailleurs, le complexe céréalier s’est alourdi avec une baisse de la demande en énergie. Entre les deux rapports USDA d’avant et d’après le confinement, la consommation prévue pour la campagne 2019 a ainsi perdu 22Mt, tant pour le blé (-7Mt) que pour le maïs (-15Mt). La nutrition animale ne va pas pouvoir compenser cette baisse qui fait actuellement pression sur les prix du complexe fourrager. Dans les rations animales, le maïs pourrait être plus utilisé au détriment du blé et alourdir les stocks de ce dernier. L’incertitude est par ailleurs grande sur la reprise économique mondiale. Or, l’économie des pays importateurs dépend en général soit de l’énergie, soit du tourisme ou des deux. Pour la France s’ajoute une incertitude sur la production 2020 liée aux conditions climatiques lors des semis puis la sécheresse dans de nombreuses zones. Les prévisions sont entre 32 et 33 Mt contre une moyenne de 36,5 Mt ces dernières années et 39,5 Mt en 2019. Enfin, si le disponible exportable de l’UE va se réduire, la Russie devrait engranger de bonnes récoltes, avec des prévisions d’exportations en blé à 37,5 Mt. Elle redeviendrait alors le premier exportateur mondial.

Comment sécuriser ses ventes dans un tel contexte de marché ?

Avec ou sans pandémie, la stratégie de commercialisation ne doit pas changer : le covid est un aléa parmi d’autres. Je me suis toujours fixé, pour les agriculteurs, d’être dans le quart supérieur du marché, un objectif tenu depuis 10 ans en blé. La base, c’est de se construire un cadre de gestion. Chaque stratégie doit être justifiée par les prix du passé car, même si la volatilité se réduit ces trois dernières années, elle existe toujours. Ainsi pour le blé, la différence entre les prix le plus haut et le plus bas a été de 39 € en 2019 et de 57 en 2018 contre 153€ en 2010, et 110€ en 2012 par exemple. L’idée est de déclencher une vente quand le prix atteint le niveau du ¼ supérieur de la campagne en cours ou sur un horizon plus lointain de 5 ou 7 ans. Ça ne me gêne pas de ne rien vendre pendant 20 semaines puis de déclencher la vente de 20% du volume si le prix passe ce seuil à ce moment-là. Cette année, nous avons accompagné le marché à la hausse. Ainsi, 195€, le prix auquel nous avons réalisé notre dernière vente sur le futur (décembre 2020), n’a tenu que deux heures et demi mais était un objectif déjà décidé depuis plusieurs semaines.

Quelles sont les bonnes pratiques pour gérer, seul, son risque prix ?

Les marchés à terme permettent d’aller fixer ses prix même avant la récolte. Euronext vous donne une grande liberté pour vous adapter. Vous pouvez paramétrer des ordres d’avance qui assurent le déclenchement de vos ventes même si vous êtes très occupé sur votre moissonneuse ! Rappelons qu’il existe toujours de belles opportunités de prix avant les moissons et que les plus bas sont souvent atteints mi-septembre. Bien sûr, personne ne peut prédire ce qu’il va se passer dans six mois. L’un de nos premiers conseils est d’ailleurs de disposer d’une capacité de stockage suffisante tant pour ses grains que pour ses engrais, au moins pour une campagne, de façon à ne jamais être acculé à vendre ou acheter. C’est parfois difficile de construire la trésorerie nécessaire avec toutes les incertitudes qui pèsent sur les marchés, les parités monétaires voire les aides PAC, mais c’est une étape vers une réelle autonomie financière.

Nous conseillons également de fractionner les ventes : le rêve serait évidemment de tout vendre au plus haut, mais le prix le plus haut n’est en général atteint qu’un jour dans l’année… Chaque campagne génère son propre schéma de fractionnement, avec toujours le même objectif : rester dans le quart supérieur pour les agriculteurs et ¼ inférieur du marché pour les industriels. Et surtout, il ne faut jamais rester seul face aux marchés, au minimum en parler avec votre voisin.

N’est-ce pas difficile de maîtriser tous ces outils ?

Il faut naturellement se former. Tout paraît complexe au début. Au minimum, il faut suivre une formation de deux jours sur les marchés à terme puis pratiquer régulièrement. L’information est disponible partout, tout le temps. Difficile de se décider face à cette abondance. Par ailleurs, les marchés vont très vite et exigent de la réactivité. Je dirai qu’une fois sa stratégie construite, il faut y passer une heure par semaine. Se faire accompagner pour construire une stratégie adaptée, selon sa taille et son aversion au risque est conseillé.

Quelles sont les perspectives pour la prochaine campagne ?

La crise Covid a vraiment modifié les perspectives. Avant le confinement, les marchés étaient plutôt haussiers alors que désormais, ils sont un peu plus lourds. L’incertitude sur la Russie s’estompe au fil des semaines avec de bonnes perspectives de récolte en volume. Les conditions sont pour l’instant bonnes aussi dans l’Hémisphère sud tant en Australie, après deux années catastrophiques, qu’en Argentine. Plusieurs éléments pourraient faire remonter les marchés comme la position des fonds de pension US sur le marché du maïs à l’approche de la période de floraison, la baisse de la parité €/$ ou des aléas climatiques sur des blés de printemps en Russie ou sur l’hémisphère Sud. Mais pour le moment, la pression moisson s’exerce et pourrait durer encore quelques semaines.

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