Cartographier son sol favorise la résilience de l’exploitation
Rencontre avec Alexandre Weil

Cartographier son sol pour optimiser ses interventions favorise la résilience de l’exploitation

Alexandre Weil, cofondateur de Précifield avec Rémi Pelletier:

La cartographie des sols est encore peu répandue avec moins de 1% de la SAU française, mais son développement est en plein essor. Elle permet de tirer le meilleur de chaque parcelle.

Qu’est-ce que la cartographie des sols en agriculture ?

Notre entreprise travaille sur l’agriculture de précision depuis sa fondation il y a 4 ans. L’agriculture de précision n’est pas nouvelle en soi, les agriculteurs disposent depuis plusieurs années de données de variabilité intra parcellaire. Les données des satellites, des drones ou encore des capteurs de rendement sur les moissonneuses batteuses fournissaient déjà des informations sur l’état de développement de la culture en place. Il était cependant difficile de transposer ces images, qui montrent des conséquences d’une année culturale, à des applications concrètes sur la ferme. La cartographie de sol propose aux agriculteurs des cartes précises sur les variabilités chimiques et physiques au sein d’une parcelle car ces disparités impactent la culture. Les agriculteurs peuvent ainsi moduler leurs intrants : densités de semis, engrais de fond, irrigation, produits phytos sanitaire, azote, … Grâce aux cartes de sol, l’agriculteur connait mieux le potentiel de chaque zone de sa parcelle. Il est capable de mieux répondre aux contraintes réglementaires et de mieux se préparer à la suppression de certains produits. Tout cela va l’aider à choisir les bons leviers pour faire face à l’augmentation de la variabilité climatique. C’est en cela que la cartographie des sols constitue un outil de résilience des exploitations face aux durcissements des conditions de production.

Est-ce réellement opérationnel ?

Le marché de la cartographie de sol est encore très récent, mais sa croissance est soutenue par différents facteurs dont l’arrivée des scanners de sols mais aussi la généralisation des nouvelles technologies embarquées sur les matériels agricoles. Les systèmes de guidages et la compatibilité entre matériels favorisent le développement de la cartographie. De plus, les satellites Sentinelle 2 de l’Agence Spatiale Européenne collectent des informations sur la biomasse des parcelles tous les 5 jours pour un coût très faible.
Actuellement la cartographie des sols est utilisée par des agriculteurs conventionnels, Bio ou en Agriculture de conservation et dans des secteurs très divers : grandes cultures, vigne, arboriculture, production de semences ou bien encore la production d’agrumes au Maroc…

Comment réalisez-vous cette cartographie des sols ?

Nous utilisons un scanner de sol positionné derrière un tracteur ou un 4*4. Il enregistre des mesures chaque seconde. Les passages se font tous les 15m pour avoir une découpe fine de la parcelle. Les 4 capteurs embarqués par le scanner mesurent en lecture directe la conductivité des sols pour mesurer les variations de texture ; le pH dont les valeurs extrêmes bloquent la vie du sol et la biodisponibilité des éléments minéraux ; la réflectance du sol au rouge et à l’infra-rouge pour produire des cartes de teneur de matière organique et un DGPS qui modélise la topographie En fonction des mesures réalisées par le scanner, nous localisons des prélèvements de terre dans des zones bien spécifiques de la parcelle. Les échantillons sont analysés en laboratoire, et les résultats nous permettent de calibrer les données du scanner par des données agronomiques, utilisables par l’agriculteur. Les cartes produites montrent les variations de texture du sol, de matière organique, de pH, de topographie, et d’éléments minéraux tels que le phosphore, le potassium et le magnésium.
Toutes ces cartes, ainsi que le suivi de la biomasse par le satellite, sont disponibles sur l’outil de visualisation que nous avons développé en ligne ; myPRECIfield. L’utilisateur peut ainsi comparer ses différentes cartes, comprendre les spécificités de chaque zone et décider des interventions à moduler. Nous complétons cette offre avec des cartes de préconisations en partant par exemple des cartes de texture de sol pour proposer des densités de semis. Les cartes d’application créées sont exportables dans l’ensemble des formats des consoles agricoles. L’agriculteur, grâce à une clé USB, peut charger la carte sur son tracteur pour réaliser son intervention.
Nous scannons 10 hectares par heure, mais le processus complet dure de 6 à 8 semaines car il faut attendre le retour des analyses du laboratoire pour calibrer les cartes.

Concrètement, comment l’agriculteur peut-il valoriser cet investissement ?

Cette cartographie des sols lui fournit les leviers pour progresser du point de vue économique et environnemental. Nos clients sont en général très techniques. S’ils ont différents objectifs, ils partagent tous une très grande sensibilité aux sols et sont conscients de la marge d’amélioration liée aux critères « sols » dont ils disposent. La première question est évidemment « qu’est ce que j’économise ». En comparant leurs pratiques avec un programme classique, il est possible de chiffrer l’économie d’intrants qui varie évidemment d’une exploitation à l’autre. Certains utilisent la modulation intra parcellaire pour un objectif d’économie d’intrants alors que d’autres souhaitent déplafonner les rendements. Dans les Landes, par exemple pour une culture de maïs irriguée sous pivot, même sur des sols à texture très homogène, la modulation intra parcellaire va permettre d’aller chercher plus de rendements en corrigeant les problèmes d’acidité de sol tout en combinant une modulation de densité de semis. En Bretagne, le suivi de l’apparition du mildiou sur pomme de terre grâce aux images satellitaires combinées à la cartographie du sol va aussi permettre aux producteurs d’apporter la bonne dose de produit grâce à la modulation des traitement phyto sanitaires par exemple.… Il peut être très intéressant de redécouper ses parcelles pour mieux les gérer, de suivre la croissance d’une prairie pour ajuster son pâturage tournant etc. Le retour sur investissement varie évidemment d’une culture à l’autre. En fonction de nos clients, une cartographie de sol est rentabilisée entre 3 à 5 ans. Il faut 100 à 120 €/hectare pour la cartographie puis l’abonnement à la plateforme informatique coûte 480€/an, investissements auxquels il faut retrancher les 20 à 45€/ha d’optimisation des apports d’engrais de fond selon notre outil de simulation comparant les programmes de fumure, et tous les autres gains en termes de potentiel de rendement, d’optimisation des intrants…

Qui est Alexandre Weil ?

Alexandre Weil est ingénieur agronome. Il a rencontré Rémi Pelletier par des amis communs. Ils ont respectivement travaillé dans l’univers des semences (Alexandre) et des produits phytosanitaires (Rémi) avant de décider de se lancer ensemble dans l’aventure de l’agriculture de précision. Créée en 2017, Precifield compte désormais 6 ingénieurs agronomes dont certains sont également agriculteurs.

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